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Canaries : seulement 14% des jeunes parviennent à s’émanciper

On dit que la jeunesse est l’âge des premières fois, mais aux îles Canaries, beaucoup de ces premières fois n’arrivent même plus : ni le premier logement en location, ni le premier salaire qui permette plus que le strict nécessaire, ni la première clé que l’on tourne dans la porte de son propre chez-soi. Le dernier état des lieux de l’Observatoire de l’émancipation du Conseil de la jeunesse des Canaries présenté ce mercredi confirme ce que des milliers de jeunes – des personnes âgées de 16 à 35 ans – vivent déjà au quotidien : prendre son indépendance est devenu un objectif qui se profile flou à l’horizon, presque irréel.

Un taux d’émancipation historiquement bas

Seuls 14,1% y parviennent, le pire chiffre enregistré dans les îles depuis qu’il existe des données. Près de 20.000 jeunes hommes et femmes de moins qu’un an auparavant. Autre donnée historique : le prix de la location. Depuis qu’il existe des registres (année 2006), il n’a jamais été aussi élevé aux Canaries, avec une moyenne qui atteint désormais 1.128 euros par mois. Autrement dit, fin 2024 – les données présentées concernent le second semestre de cette année-là –, il manquerait 181 euros du salaire net mensuel à un jeune résidant dans l’archipel pour pouvoir louer seul un logement.

Le logement, un mur infranchissable

Le logement constitue un mur contre lequel se heurtent de nombreux jeunes qui veulent commencer à imaginer leur projet de vie. Comme l’a indiqué la présidente du Conseil de la jeunesse des Canaries, Eliana Parrilla, « la jeunesse canarienne veut rester dans les îles », mais ses rêves ont été brisés car, selon les données, le prix de l’apport initial pour un appartement représente cinq années du salaire net d’une personne jeune. C’est aux Canaries, en Estrémadure et en Andalousie que se trouvent les salaires les plus bas d’Espagne, avec une moyenne annuelle de 11.364 euros dans l’archipel.

Avoir un emploi ne garantit plus l’indépendance

À cette situation s’ajoute le fait que, même lorsqu’une personne jeune parvient à se maintenir sur le marché du travail, l’émancipation n’est toujours pas garantie. Le rapport révèle que 35,9% de ceux qui travaillent sont également en risque de pauvreté, ce qui démontre qu’avoir un emploi n’assure plus de pouvoir vivre de manière indépendante. La précarité continue de donner le rythme : 33% des contrats des jeunes sont temporaires et, si l’on ajoute ceux de remplacement, le chiffre monte à 55%. Le plus habituel est qu’ils durent moins d’un an.

La surqualification est un autre symptôme de la précarité structurelle : 44,9% des jeunes ayant des études supérieures travaillent à des postes qui n’exigent pas cette formation. « Bien que nous remplissions tout ce qu’on nous demande, nous former, travailler, nous efforcer, nous ne pouvons toujours pas prendre notre indépendance », a dénoncé Parrilla. Une affirmation qui renferme la frustration d’une génération qui a le sentiment que l’ascenseur social est en panne, que cette promesse selon laquelle s’ils étudiaient beaucoup – licence, master, encore un autre master – ils pourraient obtenir tout ce qu’ils voulaient.

Des disparités territoriales et démographiques marquées

Par ailleurs, les différences territoriales dessinent également une carte inégale, puisque le taux d’émancipation est légèrement plus élevé dans la province de Santa Cruz de Tenerife (16,28%) que dans celle de Las Palmas (12,18%). Et seulement 11% de ceux qui s’émancipent sont nés aux Canaries. Le pourcentage double presque parmi les jeunes nés dans d’autres régions (24,9%) ou à l’étranger (24,96%), ce qui révèle un écart qui pénalise particulièrement ceux qui construisent leur trajectoire dans l’archipel depuis le début.

Lors de la présentation de ces chiffres, le technicien de recherche du CJE, Manuel Mejías, a tenu à souligner une tendance qui se répète dans toutes les régions : les femmes s’émancipent davantage que les hommes, mais moins fréquemment seules, car « elles pensent généralement davantage à un projet de famille ». Aux Canaries, près de 3 jeunes actifs sur 4 continuent de vivre chez leurs parents et 5 sur 10 vivent en location, dont 43,9% le font en partageant un logement avec des personnes qui ne font pas partie de leur noyau familial.

Des loyers qui capturent les hausses salariales

Mejías a voulu mettre particulièrement l’accent sur le fait que « le prix du logement en location est à son maximum historique, ce qui n’est pas le cas des salaires », a-t-il expliqué. « Le loyer capte les augmentations salariales », a-t-il ajouté.

La conclusion que l’on tire de ces données est, selon la deuxième vice-présidente du Conseil de la jeunesse d’Espagne (CJE), Sara Villodre, que les jeunes ne vivent pas « comme des citoyens de plein droit

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